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Revendications territoriales… dans le cyberespace

Absents de la science-fiction, les autochtones ont des rôles ingrats dans les jeux vidéo et sont discrets dans le cyberespace. C’est à peupler cet « imaginaire de l’avenir » que Jason Lewis et sa partenaire Skawennati s’activent dans un vaste local de l’Université Concordia. À partir de la tradition ancestrale, des traumatismes du passé et de la réalité d’aujourd’hui, on tente de créer de nouveaux territoires.

Et il ne s’agit pas d’élaborer un manifeste ou de réécrire les livres d’histoire, mais d’aider concrètement les membres des Premières Nations à utiliser les outils de la technologie et à se projeter dans l’avenir. « Un auteur a écrit que la plus grande tragédie qui nous guette serait de devenir “inimaginés”, dit M. Lewis. Si nous ne nous voyons pas dans le futur, notre passé et notre présent n’ont pas de sens. »

JEUX VIDÉO INSPIRÉS

Comment y arriver ? D’abord en apprenant à concevoir des outils, notamment en formant des autochtones à la création de jeux vidéo. Le Pôle de recherche sur les initiatives d’avenir autochtone (plus connu sous son nom anglais, Aboriginal Territories in Cyberspace, ou AbTec) a mis sur pied des ateliers touchant toutes les facettes de cette industrie, du design à la programmation, appelés Skins. Durant ces séances intensives, en quelques semaines, les participants créent un jeu vidéo de toute pièce qui est offert en téléchargement gratuit par la suite.

Quatre jeux ont ainsi été créés. Une des œuvres les plus intéressantes, c’est le jeu Skahiòn : hati : Rise of the Kanien’keha : ka Legends. Loin des clichés habituels sur les Amérindiens, le jeu reprend la culture et le mode de vie d’une tribu qui envoie son chasseur en mission.

MEUBLER SECOND LIFE

AbTec a créé il y a quelques années son propre territoire, une section du jeu Second Life qui lui appartient et que ses artisans meublent à leur façon. On y trouve des dizaines d’espaces dans lesquels on peut se téléporter (y déplacer son avatar, en fait), qui sont permanents ou aménagés pour des occasions particulières. Le jour du passage de La Presse, on préparait ainsi une pièce spéciale pour un événement prévu le lendemain au cours duquel on allait accueillir des visiteurs de Toronto.

C’est dans ce même monde qu’on a mis sur pied un autre projet, Time Traveller, une superbe fusion entre la technologie et l’histoire. En suivant un jeune chasseur mohawk du XXIIe siècle, Hunter, on entre dans un monde de réalité virtuelle dans lequel on peut par exemple visiter la ville de Tenochtitlan, voyager en Europe avec Pocahontas ou contempler des ruines… avant qu’elles ne deviennent ruines. En tout, neuf « épisodes » de ces aventures ont été mis en ligne

IMAGINER L’AVENIR

Une des initiatives auxquelles tient le plus Jason Lewis a été de demander à des artistes, des écrivains, des penseurs et des militants d’imaginer ce que serait leur peuple dans sept générations. Le pôle de recherche offre une résidence de trois mois dans les locaux de l’Université Concordia à certains participants. Les œuvres répondant à cette thématique sont ensuite reproduites et rendues accessibles, d’abord aux communautés des Premières Nations du Canada. Elles seront présentées lors d’un symposium en août prochain à Kelowna, en Colombie-Britannique. « Nous ne sommes pas ici pour éduquer le reste des Canadiens, ce n’est pas notre job, explique M. Lewis. Nous nous concentrons sur nous, mais nous faisons aussi des expositions, nous parlons au public, on parle de nous. »

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